Epidemies antiques

L’histoire de Rome est rythmée par de nombreuses épidémies, appelées souvent à tort « pestes » du latin pestilentia. Comme les Grecs, les Romains ont longtemps pensé que les épidémies, disettes et autres fléaux étaient liés à une sorte de malédiction divine. Pour tenter d’y remédier et apaiser le courroux des dieux, on vouait des temples aux dieux guérisseurs – Apollon Medicus ou Esculape – et on réalisait toutes sortes d’actes rituels. Dans son Histoire romaine, par exemple, Tite-Live mentionne diverses épidémies parmi d’autres catastrophes naturelles. Pour les époques les plus reculées, la plupart du temps l’historien se contente d’énumérer ces fléaux qui provoquaient de nombreuses pertes humaines ou animales, et bien souvent aussi une interruption de la guerre.

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Les premiers essais d’interprétation scientifique

Il faut attendre le Ier siècle av. n. è., pour trouver trace des premiers essais d’interprétation scientifique des épidémies chez les auteurs latins. Lucrèce, poète et philosophe qui se fonde sur la philosophie d’Epicure, est l’auteur d’un poème intitulé De la Nature. Dans les dernières parties de son œuvre, il tente de démontrer que les phénomènes naturels, tout comme les maladies et les épidémies s’expliquent de façon rationnelle et que les dieux leur sont étrangers. Sans remettre en cause l’existence des dieux, Lucrèce explique que les maladies et les épidémies se propagent dans l’air ou dans l’eau à travers des germes. Prier les dieux ou réaliser des sacrifices est inutile.

« Ainsi donc fait sa brusque invasion le fléau de l’épidémie nouvelle ; ou bien il s’abat sur les eaux, ou bien il s’établit dans les blés ou autres productions qui servent de nourriture aux hommes et de pâture aux animaux, ou encore sa virulence demeure suspendue dans l’air même et, quand nous respirons cet air contaminé, nous absorbons fatalement le poison qui l’infecte. (Lucrèce, De la Nature, VI, 1124-1130).

Nous noterons que les Anciens ignoraient la notion de contagion. A leurs yeux, les maladies ne se transmettaient pas entre êtres humains, par contact direct ou indirect : elles étaient transmises par l’air, l’eau, la terre ou les animaux qui étaient infectés de germes.

Le Haut-Empire

Tout au long du Haut-Empire romain, nombreuses sont les « pestes » mentionnées par les sources. Sous l’empereur Néron, en 65-66 de n. è., une terrible épidémie aurait frappé la ville de Rome. L’historien Tacite raconte que « les maisons se remplissaient de cadavres, les rues de funérailles », et que la maladie n’épargnait personne : hommes, femmes, enfants, citoyens libres et esclaves, tous étaient frappés par ce même mal. L’historien raconte aussi que les proches mouraient à leur tour après avoir assisté les malades. Quant au biographe Suétone, il évoque un chiffre glacial : trente mille morts dans la capitale de l’Empire au cours de cet automne 65 !

La « peste antonine » (165-180 de notre ère)

La peste antonine, 165-189 | Opinions | La Tribune - Sherbrooke

 Cette pandémie a été nommée en l’honneur de l’empereur Marc-Aurèle (Marcus Aurelius Antoninus)

Mais à en croire les sources antiques, l’épidémie la plus meurtrière fut sans conteste la « peste antonine » qui sévit dans l’ensemble de l’Empire romain à partir de 165 de n. è. Cette pandémie, probablement la variole, se développa sous la dynastie antonine d’où le surnom qui lui a été attribué par les historiens. Nombreux sont les auteurs antiques qui ont décrit cette épidémie, ses symptômes et ses conséquences. Selon Ammien Marcellin ou encore l’Histoire Auguste, cette pandémie serait apparue à Séleucie, en Mésopotamie, durant l’hiver 164-165, alors que les troupes romaines assiégeait la ville. Les légionnaires furent contaminés et la maladie se propagea rapidement dans l’ensemble du territoire romain. Toutes les régions furent touchées jusqu’au bord du Rhin. Elle se serait même répandue dans l’Empire chinois. A en croire les témoignages antiques, Rome et Aquilée furent les deux villes les plus touchées. L’historien Dion Cassius articule un lourd bilan : deux mille morts chaque jour à Rome au plus fort de l’épidémie. 

Cette pandémie revint périodiquement durant une vingtaine d’années jusque vers 180 de n. è. Dans sa globalité, elle aurait décimé près d’un tiers de la population de l’Empire, soit quelque cinq millions de victimes dont une grande partie de l’armée romaine. Les pertes furent si importantes que les co-empereurs, Marc Aurèle et Lucius Verus, firent appel à Galien, célèbre médecin grec de la cour. Celui-ci fut envoyé à Aquilée et à Carnuntum (Autriche) auprès des troupes romaines engagées dans la guerre contre les Quades et les Marcomans et qui étaient décimées par cette « peste ». Galien assista impuissant à ce fléau, essayant en vain de porter secours aux malades. Dans son traité intitulé De la méthode thérapeutique, il y décrit cette maladie violente et incurable, ses symptômes, ses effets sur la population. Pour certains historiens, elle aurait aussi causé la mort de l’empereur Lucius Verus en 169, et celle de Marc Aurèle en 180. On ne peut douter que cette pandémie provoqua un choc psychologique important au sein des populations qui assistaient impuissantes et avec angoisse à ce désastre, à l’image de la situation que nous vivons tous aujourd’hui.

 
 
 
 
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