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Son nom dit clairement son origine romaine : Fréjus dans l’Antiquité, c’était Forum Julii – qu’on pourrait traduire par “le marché de Jules“. Cette appellation montre bien que la ville est née de la volonté de Rome (et de Jules César plus précisément). Avant la conquête romaine, la région était occupée par des peuples ligures, qui cassaient joliment les pieds des Massaliotes, eux-mêmes ayant établi des comptoirs dans le Sud de la Gaule. Ça commence à bien faire : ces Grecs installés à Marseille en appellent à Rome, qui intervient d’abord en 154 avant J.C., puis une nouvelle fois vers 124 avant J.C. Ils en profitent pour s’installer en Gaule méridionale, ces premières campagnes leur ayant ouvert un passage vers l’Espagne. Cette période est notamment marquée par la fondation et l’émergence d’Aquae Sextae (Aix en Provence) et de la Colonia Narbo Martius (Narbonne). En 43 avant J.C. apparait pour la première fois le nom de Forum Julii, sous la plume de Cicéron, qui le mentionne en évoquant la guerre civile opposant Antoine et Lépide à Octave :
“En vingt-quatre heures un pont a été jeté sur l’Isère, grand fleuve qui baigne la frontière des Allobroges, et le 4 des ides de mai j’y ai fait passer mon armée : en même temps, sur l’avis que Lucius Antoine avait poussé une reconnaissance jusqu’à Forum-Julii avec de la cavalerie et des cohortes, j’ai fait partir mon frère le 5 des ides, à la tête de quatre mille chevaux, pour aller à sa rencontre.” (Cicéron, “Ad Familiares”, X – 15.)
Forum Julii, choisie par Antoine comme point de ralliement, était donc déjà une cité importante sur le plan stratégique.
Ce nom est une référence implicite à Jules César, probable fondateur de la ville en 49 avant J.C. – le nom des Julii étant parfois employé comme un simple hommage. On ignore également s’il s’agit d’une fondation à proprement parler ou de la réorganisation et du développement d’une bourgade moins importante. Il est toutefois évident que la cité fait partie des marchés (fora) établis par Rome entre l’Italie et l’Espagne, et le choix de l’emplacement ne doit rien au hasard : échappant au contrôle des Massaliotes, port naturel au bord de la Méditerranée, ouvrant sur une vaste plaine fertile, protégé des inondations fluviales par une butte, au cœur d’un réseau de communications formé par la Via Julia Augusta, la Via Domitia et la Route des Maures, le site présente de nombreux avantages, stratégiques autant que commerciaux.
C’est pourtant grâce à Octave, petit-neveu et fils adoptif de César (et accessoirement futur Empereur Auguste) que la ville gagne en importance, et devient une colonie romaine. A ce titre, ses habitants sont citoyens romains de plein droit, c’est-à-dire possesseurs des droits civils (droit de mariage, de commerce, d’ester en justice, d’héritage et de transmission) et des droits publics (droit de vote et d’éligibilité dans la cité mais aussi à Rome), et la ville est dotée d’une Curie, sorte de Sénat local gérant les affaires publiques. Pline l’Ancien en parle ainsi, dans son “Histoire Naturelle” :
“En revenant à la mer, Tricorium ; puis, dans l’intérieur, les régions des Tricolles, des Vocontiens et des Segovellaunes, puis des Allobroges ; sur la côte, Marseille des Grecs Phocéens, alliée ; le promontoire Zao, le port Citharista ; la région des Camatulliques, puis les Sueltères ; et au-dessus les Verrucins ; sur la côte elle-même, Athénopolis des Marseillais ; une colonie de la huitième légion, Forum Julii, ou Pacensis, ou Classica ; il y passe un fleuve appelé Argenté ; la région des Oxubiens et des Ligaunes, au-dessus desquels sont les Suètres, les Quariates, les Adunicates; sur la côte, la ville latine d’Antipolis (Antibes) ; la région des Déciates; le Var, qui descend du mont Céma, de la chaîne des Alpes.” (Pline l’Ancien, “Histoire Naturelle”, III – 5.)
Cette dénomination de Pacensis ( de Pax – la paix) semble célébrer la paix retrouvée après la bataille d’Actium (31 avant J.C.), où la victoire d’Octave sur la flotte de Marc Antoine et Cléopâtre mit un terme à la guerre civile. C’est en effet à Fréjus que le vainqueur transféra les navires pris à ses ennemis :
“Deux flottes, l’une à Misène, l’autre à Ravenne, protégeaient l’Italie sur l’une et l’autre mer; et des galères qu’Auguste avait prises à la bataille d’Actium et envoyées à Fréjus gardaient, avec de bons équipages, la partie des Gaules la plus rapprochée.” (Tacite, “Annales”, IV – 5.1)
Le port, creusé dans des marécages et relié à la Méditerranée par un canal, abrite des bâtiments militaires au moins jusqu’au IIème siècle, faisant de Fréjus le troisième port de guerre de la Méditerranée occidentale après Misène et Ravenne. Cependant, la paix rétablie sur le territoire romain met un frein à cette activité militaire, transformant la ville en un pôle commercial et son port, en port de commerce. De nombreuses légions sont licenciées, et les vétérans installés dans des colonies – d’où, sans doute, le nouveau statut de Forum Julii, colonie de droit romain rattachée à la tribu romaine des Aniensis. Prenant le nom de Colonia Octaviorum, elle accueille alors les vétérans de la VIIIème légion et est élevée, en 22 avant J.C., au rang de chef-lieu de la nouvelle province proconsulaire de Gaule narbonnaise. Dès lors, la ville ne cesse de se doter de grands bâtiments et d’infrastructures : théâtre, amphithéâtre, égouts, thermes, aqueduc, phare, etc. – dont la plupart datent du règne de Tibère. Elle s’agrandit aussi, couvrant plus de 45 hectares sous le règne des Flaviens. Fréjus devient un pôle urbain et une place économique importante : son port situé sur une voie maritime très fréquentée, son marché, sa proximité avec un arrière-pays agricole producteur de vin et d’huile d’olive, l’importance de la pêche en mer ou en viviers (grâce à laquelle on produit l’allex, variété de garum), la présence d’exploitations minières de grès vert et de porphyre bleu et l’implantation d’un artisanat potier largement diffusé dans l’Empire (on a retrouvé des amphores à Ostie) en font un centre commercial écoulant la production artisanale et agricole de la région.
Pendant les siècles suivants, le dynamisme de Fréjus ne se dément pas. L’Antiquité tardive est marquée par l’établissement du Christianisme, ses structures se substituant peu à peu à celles héritées de l’Empire. Fréjus est l’un des premiers et plus important évêché de Gaule, avant même la reconnaissance du Christianisme comme religion officielle. Est construit à cette époque l’un des ensembles épiscopaux les plus anciens de Provence. Le premier évêque de la ville, Acceptus, assiste au concile de Latran en 374. A partir du règne de Dioclétien, le nouveau découpage territorial de l’Empire place Fréjus en Narbonnaise Seconde, dans le diocèse de Viennoise – situation qui perdure au moins jusqu’au Vème siècle, malgré quelques soubresauts (la province de Narbonnaise Seconde disparaissant puis réapparaissant au cours du IVème siècle, au gré des réformes administratives.) Ce seront finalement les invasions des Musulmans et les incursions des pirates, entre le VIIème et le IXème siècles, qui sonneront le glas de la cité romaine : les monuments tombent peu à peu en ruines et la mer gagne l’intérieur des terres, bouchant le port qui n’est plus qu’une plaine marécageuse.
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